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La fabrique du noir : création d’un espace de médiation

Dans les coulisses de la création d’un dispositif de médiation pour l’exposition « Soleils noirs », avec Ludovic et Guilaine

Autour d’une table, dans des vitrines, sont présentés des matériaux utilisés pour la fabrication du noir tandis que, sur des écrans, des animations numériques illustrent leurs processus de fabrications ou de transformations. C’est dans la première partie de l’exposition « Soleils noirs », après les deux premières salles consacrées aux nocturnes et aux éléments noirs, que les visiteurs accèdent à cet espace de médiation nommé « La fabrique du noir ». Retour sur l’histoire de ce projet.

Crédits photographiques : Ludovic

La génèse du projet

Très tôt dans le travail préparatoire de l’exposition « Soleils noirs », les commissaires (Marie Lavandier, conservateur général du patrimoine – directrice du Louvre-Lens ; Juliette Guépratte, historienne de l’art – directrice de la stratégie – chargée de l’art contemporain au Louvre-Lens et Luc Piralla, conservateur du patrimoine – directeur adjoint du Louvre-Lens) ont souhaité mettre en place un dispositif de médiation qui questionne la matérialité de la couleur noire à travers les techniques utilisées par les artistes tout au long de l’histoire. Le noir est l’un des premiers pigments fabriqués par l’homme. En fonction des matériaux utilisés et des procédés de fabrication, les noirs sont plus ou moins noirs, plus ou moins colorés et plus ou moins opaques. Ce dispositif prend place dans une salle dédiée, au début du parcours. Il vient donc comme une information préalable à la découverte des œuvres.

Créer un dispositif aux multiples facettes

Pour concevoir ce dispositif de médiation, plusieurs membres des services des Expositions et des Éditions et de la Médiation ont collaboré : Guilaine Legay (responsable du pôle Éditions et Production numérique), Noël Rouvrais (chargé de conception multimédia) et Ludovic Demathieu (chargé de projets de médiation), avec l’appui d’Alexandre Estaquet-Legrand (chargé de documentation), Gautier Verbeke (chef du service Médiation) et Hélène Bouillon (cheffe du service des Expositions et des Éditions du Louvre-Lens).

Cette double casquette opérationnelle était nécessaire pour aboutir à la conception d’un dispositif de médiation hybride, à savoir proposant du contenu numérique et des objets tangibles. L’autre enjeu était aussi que ce même outil pourrait être utilisé par nos visiteurs dans l’exposition mais aussi par les médiateurs lors d’actions menées en hors les murs avec une malette proposant les matériaux mais aussi les contenus numériques. Il nous fallait concevoir un même outil pour des contextes d’usages différents. Le numérique ici offre ainsi au musée le don d’ubiquité.

Si la thématique de la matérialité de la couleur noire a vite été retenue, il a fallu questionner l’identité de ce dispositif. Avant toute conception fine, il fallait répondre à différentes questions. Les premières étant « Pour qui faisons nous ce dispositif ? » ou encore « Avec ce dispositif, quelles postures proposons-nous à nos visiteurs ? »

Arrêtons-nous uniquement sur cette dernière question. Pour les postures proposées, deux profils fort se détachent. Le premier est celui d’un visiteur plutôt attentif mais passif, observateur des vitrines, se délectant de la découverte des matières premières et poursuivant la visite. Notre dispositif doit aussi répondre à un second profil, celui d’un visiteur plus entreprenant, curieux d’en savoir plus et surtout prêt à l’expérimentation. Le contenu numérique de ce dispositif répondra à ce second profil. Dans nos expositions, à présent il est important de penser postures multiples, pour permettre à nos dispositifs de médiation numérique de toucher nos visiteurs les plus divers.

Des recherches approfondies sur les techniques de fabrication et de transformation

Une fois que nous avons effectué la sélection des techniques utilisées par les artistes, que nous voulions présenter, il a fallu entreprendre des recherches documentaires approfondies pour comprendre les différentes étapes de fabrications ou de transformations des matériaux en pigments noirs.

Dès le début, il nous semblait indispensable de mettre en perspective l’explication de la technique avec une œuvre présentée dans l’exposition. Nous avons donc choisi les œuvres qui permettent de montrer concrètement les applications de cette technique et ses spécificités.

Pour certains matériaux nous avons été confrontés à des difficultés. Certaines œuvres comportaient des imprécisions sur leurs matériaux et des doutes persistaient, comme pour les sculptures égyptiennes, sur le type de pierre qui avait été employée. Pour la sculpture d’Osiris, nous ne savions pas de quelle sorte de pierre il s’agissait, il en effet difficile de faire la différence entre ces pierres noires qui peuvent être de la granodiorite, du grauwacke ou du basalte. Les conservateurs du Louvre nous ont heureusement accompagnés dans nos recherches.

La présentation des matériaux

Notre choix s’est donc porté sur sept matériaux/techniques utilisés par les artistes :

  • le fusain
  • le noir d’ivoire
  • le noir de fumée
  • le basalte
  • l’obsidienne
  • le bucchero
  • la teinture noire

Chacun des sept exemples de noirs est présenté par deux échantillons : le produit brut, ainsi que le produit transformé pouvant être utilisé pour l’artiste pour la création de l’œuvre. Par exemple, pour le fusain, sont présentés côte à côté, un morceau de sauge, avant la carbonisation et le fusain, tel qu’un artiste peut l’utiliser pour dessiner. Autre exemple, pour l’obsidienne sont présentés côte à côte l’extraction brute de la roche et sa version taillée et polie.

La collecte de ces matériaux était une étape importante. Pour certaines techniques, nous avons réussi assez facilement à trouver des outils réalisés selon les procédés anciens, comme les fusains, les pigments noirs d’ivoire ou noirs de fumée. Pour d’autres, le personnel du musée a été mis à contribution : les jardiniers du musée se sont chargés de collecter dans le parc des branches de saule (la meilleure qualité de bois pour réaliser des fusains), une collègue a prêté une pierre d’obsidienne issue de la sa collection tandis qu’un autre nous a rapporté de la suie en provenance directe de sa cheminée. Un passage chez le boucher nous a permis d’obtenir un bel os (utilisé pour obtenir le noir d’ivoire). Enfin, sur internet, nous avons pu commander au Mexique un miroir circulaire en obsidienne et en Italie des tessons de bucchero (réalisés par une céramiste selon les procédés antiques).

Un espace doux, conçu par le scénographe

Au musée, la médiation numérique doit s’intégrer au mieux à l’expérience de visite de l’exposition. Le design du dispositif est donc essentiel à cette intégration douce. Le scénographe de l’exposition, Mathis Boucher, a régulièrement été associé à nos réflexions pour envisager la forme qu’allait prendre ce meuble de médiation. C’est ainsi que ce dispositif a rapidement pris la forme d’un grand meuble en courbe. Sur sa partie supérieure sont présentés les échantillons des matériaux sous vitrines rétroéclairées. Face aux matériaux, des écrans présentent les animations en trois langues. L’espace de médiation ainsi conçu laisse le choix aux visiteurs, soit de regarder uniquement les matériaux dans les vitrines en restant à l’extérieur du meuble ou bien de rentrer dans l’espace de médiation afin de consulter les contenus numériques pour en savoir plus sur les étapes de fabrication.

Les animations pour comprendre la fabrication des pigments noirs

Une fois les recherches effectuées, nous avons réalisé les premiers storyboards afin de sélectionner les différentes étapes de fabrication que nous voulions présenter au public.

Au regard des éléments exposés dans les vitrines, les contenus numériques, situés à proximité, sur la partie basse du meuble, ont pour but de proposer aux visiteurs des contenus didactiques mais aussi sensitifs. L’enjeu était que ces animations numériques expliquent de manière simple, mais scientifiquement exactes, les méthodes de transformation parfois complexes de ces matériaux. Il fallait surtout que le contenu soit accessible à tous les publics, aussi bien aux enfants qu’aux adultes.

Ici, les contenus numériques permettent aux visiteurs :

  • de découvrir les étapes de transformation des matériaux bruts en matériaux pouvant être utilisés par un artiste : comment passe-t-on d’une branche de saule à du fusain, par exemple ?
  • de comprendre l’utilisation de ces outils de création ayant permis d’aboutir aux œuvres exposées : comment caractériser les noirs de l’œuvre de Spoelstra « Mistey Road » faite avec du fusain par exemple ? Comment est-il appliqué, estompé ?
  • de « tester » la technique du fusain et du noir d’ivoire. Ainsi, pour le fusain, il est possible, avec le doigt de tester l’application du fusain et de l’estomper pour jouer sur les variations du noir. Pour le noir d’ivoire, nous avons pensé à un outil qui permette de décortiquer le travail de Pierre Soulages. Après avoir recouvert la toile d’une préparation noire, le visiteur peut strier la couche de peinture noire d’ivoire et jouer sur les variations de lumière.

Ce dispositif a été développé par la société Buzzing Light avec qui nous avons travaillé pendant 3 mois.

Un dispositif réversible

La crise de la covid nous a contraints à nous interroger sur la réversabilité du dispositif. Alors qu’il est toujours essentiel de réfléchir réversabilité d’un dispositif (il peut tomber en panne, être mis à jour, devoir être réparé ou remplacé) la réouverture du musée en juin 2020 dans le contexte de la covid nous a obligés à supprimer toute interaction avec le dispositif. Seules les 7 courtes animations présentant les techniques de fabrication ont été gardées ; elles sont présentées en boucle. Elles sont donc visibles, sans intervention du public. Les interactions permettant des focus sur certaines œuvres ou encore de tester des techniques ont été retirées pour le moment du dispositif numérique.

L’aventure continue… hors les murs

Nous avons à cœur de faire vivre ce dispositif une fois l’exposition terminée. Nous allons donc réunir tous ces matériaux dans une mallette pédagogique afin d’accompagner les actions de médiation hors les murs. Les enseignants ou les encadrants de structure, comme les médiateurs, pourront profiter de cette matériauthèque et des animations mises à disposition sur une tablette pour développer de nouveaux projets autour de la matérialité du noir.

Retrouvez le contenu complet du dispositif interactif « La fabrique du noir » ici !