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Promenade musicale au clair de lune

Daria vous convie à une promenade en mots et en sons…

Promenade musicale au clair de lune

Chaque année, le Louvre-Lens donne carte blanche aux étudiants des établissements d’enseignement supérieur de la région Hauts-de-France, et présente leurs propositions artistiques, ludiques ou poétiques inspirées par l’exposition du moment. 

Dans le cadre de cette édition du WELL21 entièrement numérique, les étudiants participants prennent les commandes de la page Mon Louvre-Lens afin de vous présenter leurs créations, imaginées en lien avec l’exposition Soleils noirs. Une série de 11 articles et tutoriels vous attend !

 

 

Immergez-vous dans l’écoute d’une composition originale au piano réalisée par une étudiante en arts (exposition/production des œuvres d’art contemporain) à l’université de Lille en lien avec un tableau de l’exposition Soleils Noirs.

 

Sonate au clair de lune

Temps de lecture : 5 minutes.

Temps d’écoute : 7 minutes.

Musique : Ludwig van Beethoven, Sonate n°14 en do dièse mineur opus 27 n°2, dite « Sonate au Clair de lune », 1er mouvement : Adagio, pour piano solo, 1801. Interprétation Daria Calvo Anton.

BENJAMIN-CONSTANT Jean-Joseph (1845 ; 1902)
Beethoven, la sonate au clair de lune
1850 – 1899, huile sur toile, H. 190 cm ; L. 305 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts
Photo © RMN – Grand Palais / Stéphane Maréchalle

 

Ici débute le parcours musical que je vous propose d’entamer en réponse au parcours visuel développé par le Louvre-Lens dans son exposition Soleils Noirs. A tous, je souhaite la bienvenue ! Pour une qualité audio optimale, je vous recommande d’utiliser un casque ou des écouteurs lors de votre écoute des cinq morceaux originaux composés par les soins de l’auteure, et un morceau classique interprété par ses soins en réponse à autant d’œuvres choisies dans l’exposition. Ainsi, pourra s’instaurer un dialogue entre arts plastiques et musique, espérons-le enrichissant : il ouvrira tout du moins de nouveaux espaces de compréhension des œuvres. Chacun des six textes associés à ce projet tentera d’éclairer le processus créatif, inscrit dans ma pratique personnelle du piano, qui aura consisté à partir d’une œuvre picturale pour créer un écho en musique.

       Comme l’exposition, qui s’ouvre avec la salle « Nocturnes », et avec l’huile sur toile de Benjamin-Constant Beethoven, la sonate au clair de lune, convoquons dans un premier temps le grand compositeur romantique Ludwig van Beethoven, et notamment le premier mouvement de sa Sonate au clair de lune, composée en 1801 dont vous trouverez associé à l’article un fichier audio de ma modeste interprétation.

Le portrait de Beethoven est plongé dans une telle obscurité que l’on a peine à distinguer le visage de l’homme : plongé dans l’exécution de sa musique, l’on pourrait croire qu’elle prend le pas sur la figuration pour imprégner le tableau. Benjamin-Constant s’est-il essayé, ici, comme d’autres peintres ont pu le faire, à représenter la musique par les formes et les couleurs ?

     La Sonate dont vous pourrez écouter ici l’adagio, c’est-à-dire son premier mouvement, est sans doute l’un des morceaux les plus célèbres de l’histoire de la musique classique : son tempo très lent, son intensité pianissimo qui gagne en contrastes au fil des mesures, son registre mettant à l’honneur les octaves les plus graves du piano, son mode mineur… Tout cela pourrait expliquer son apparition en tant qu’ombre noire sur le tableau de Constant.

 

Air lugubre

Temps de lecture : 5 minutes. 

Temps d’écoute : 5 minutes.

Musique : Daria Calvo Anton, Air lugubre, piano, 2019.

Odilon Redon (1840-1916)
Araignée
1887, lithographie, h.57,2 ; l.40,1 cm, Paris, Bibliothèque Nationale de France, Département des estampes et de la photographie
Photo © BnF

 

Pour cette première composition au piano en lien avec l’exposition Soleils Noirs, intéressons-nous aux connotations les plus négatives qui peuvent nous venir à l’esprit lorsque nous pensons à la couleur noire. Des instincts ataviques, liés à la crainte de l’obscurité, nous reviennent en mémoire : la peur de la créature inconnue cachée dans une nappe sombre et impénétrable par le regard, celle de trouver un monstre tapis sous le lit ou celle encore de se trouver face à un animal aussi étrange et repoussant que L’araignée souriante d’Odilon Redon. Loin d’être nyctalope (qui voit la nuit), l’humain tend à se laisser porter par son imagination lorsqu’il se retrouve face à une chose qu’il ne peut voir ou comprendre, et c’est ainsi que naissent mythes, histoires à faire peur ou autres légendes où la nuit engendre des personnages catalysant nos angoisses.

     Pour essayer de rendre en musique cet inconfort que provoque parfois l’obscurité, le piano explore dans cette création les registres graves, les notes dissonantes, les phrases musicales qui se répètent avec la constance de nos peurs les plus profondément ancrées. Le compositeur Erik Satie et sa maîtrise de la dissonance fut une source d’inspiration pour ce morceau.

 

La Chute

Temps de lecture : 5 minutes.

Temps d’écoute : 15 minutes.

Musique : Daria Calvo Anton, La Chute, piano solo, 2018, 15 min.

La Chute des anges rebelles
14e siècle, bois transposé sur toile, Paris, musée du Louvre, dépôt du musée des Beaux-Arts de Tours
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

 

Continuons ce parcours musical inspiré des œuvres présentées au Louvre-Lens pour l’exposition Soleils Noirs par une composition au piano qui continue d’explorer les noirceurs de la vie humaine.

     Les notes de musique correspondront avec l’œuvre La chute des anges rebelles, une huile de bois transposée sur toile peinte par le Maître des Anges Rebelles vers 1340-1345. Présente dans la salle du musée qui traite des « Peurs du noir », cette œuvre médiévale dépeint un passage de la Bible durant lequel des anges, sous l’impulsion de l’œuvre de l’Ange Déchu qui deviendra le Diable, luttent contre les forces du Bien plongées dans la lumière symbolisée par la couleur dorée sur laquelle se détachent les silhouettes noires des anges plongeant vers l’orbe noir de l’Enfer.

     La création musicale associée au tableau espère retranscrire l’éloignement définitif que sous-entend une telle chute du Bien vers le Mal. Les anges quittant définitivement, par leur rébellion, la lumière divine qui les nimbait, ils se plongent sciemment dans une noirceur de laquelle ils n’ont pas l’espoir de réchapper. C’est par une longue suite de notes réparties en accords mineurs et, dans un registre grave, que le piano chante cette longue chute vers une obscurité choisie et peut-être, finalement, regrettée. Bannie de la lumière, la musique trouve un réconfort dans la célébration de la noirceur.

 

Clair obscur

Temps de lecture : 5 minutes.

Temps d’écoute : 4 minutes.

Musique : Daria Calvo Anton, Clair-obscur, piano, 2018.

Joseph Vernet (1714-1789)
Paysage. Effet de clair de lune
Fin du 18e siècle, huile sur toile, h. 44, l. 61 cm, Paris, musée du Louvre
Photo © RMN-Grand Palais

Comme les éclats de la lune qui se frayent un chemin dans l’obscurité du paysage de Joseph Vernet, la composition pianistique suivante espère moduler les caractères et les modes pour produire sur l’auditeur des effets contrastés pour évoquer un passage, sans que l’un domine l’autre, de l’ombre à la lumière.

 La salle « Nocturnes » de l’exposition Soleils Noirs présente l’un des sujets de prédilection des peintres du 19ème siècle : la nuit et la profondeur de sa noirceur, qui rend plus forts encore les contrastes apportés par des lumières naturelles comme la lune, ou artificielles comme les éclairages urbains. Ces paysages picturaux peuvent aussi devenir des paysages sonores propices à la rêverie et à l’évasion de l’esprit.

 

Soleils noirs

Temps de lecture : 5 minutes. 

Temps d’écoute : 4 minutes.

Musique : Daria Calvo Anton, Soleils noirs, piano, 2020.

La composition originale présentée ici entend concilier les deux éléments de l’oxymore « Soleils Noirs » qui compose le titre de l’exposition au Louvre-Lens. Pour ce faire, il s’agissait de créer un morceau mélancolique, d’une lumineuse tristesse, qui accepterait un état d’esprit quelque peu sombre sans pour autant s’y complaire. Sans présenter des contrastes aussi marqués que dans un clair-obscur, les émergences de clarté se mêlent à un fond ancré dans l’ombre, créant ainsi une stabilité basée sur l’ambivalence.

     L’idée de ce morceau émergea de l’observation de toiles de Pierre Soulages où la lumière vient s’accrocher aux effets de matière d’une peinture noire striée, empâtée, apposée sur la toile selon des protocoles très stricts. Contredisant les acceptions qui veulent que le noir absorbe la lumière ou en représente l’absence, les Outrenoirs de Soulages, que je vous invite à contempler dans leur matérialité au Louvre-Lens ou dans d’autres musées, réconcilient les contradictions entre ombre et lumière par les vibrations de la couleur et de la matière.

 

Du noir vers la clarté

Temps de lecture : 5 minutes.

Temps d’écoute : 6 minutes.

Musique : Daria Calvo Anton, Tout est clair, piano, 2020.

Philippe de Champaigne (1602-1674)
Vanité ou Allégorie de la vie humaine
Vers 1640-1650, h. 28; l. 37 cm, achat en 1888, Le Mans, musée de Tessé
Photo © RMN-Grand Palais

 

Pour conclure ce parcours en musique, j’aimerais aborder une certitude à toute vie humaine où l’acceptation d’une éternelle noirceur peut amener vers le calme et la sérénité : la mort, dont les présages philosophiques et artistiques se multiplièrent durant l’époque moderne sous la forme de vanités, à la manière de celles de Philippe de Champaigne. Aboutissement, certitude, promesse d’une vie renouvelée dans certaines religions, il s’agit, par cette composition, de manifester en musique l’espoir d’un nouveau réveil ou d’un calme flottement dans le néant suite à la fin de l’être.

     Suite à une vie de turpitudes, peut-être vaines, alimentées par les désirs de possessions matérielles, la violence des sentiments humains, la recherche sans fin du bonheur dont nous retrouvons les signes dans l’Allégorie de la vie humaine de Philippe de Champaigne, sous la forme du crâne, de la fleur fanée et du sablier rappelant l’impermanence de toute chose, le noir utilisé en fond de la toile figurerait l’engloutissement de toute chose par cette ultime étape de la vie aux suites aléatoires. La composition au piano prend le parti d’imaginer la mort comme le réveil d’une lumière et l’apparition d’un grand calme diffus, mais l’on pourrait tout à fait proposer d’infinies variations sur un thème aussi fondamental qu’il est intangible et inexprimable.