Musée fermé
Parc ouvert jusqu'à 19:00
Fermer Plan de travail

L’art conceptuel facile à comprendre

Suivons Calvin (9 ans), Chloé (10 ans) et Léa (13 ans) à la rencontre des œuvres de l’artiste conceptuel Bernar Venet (80 ans) …

De Nice…

Calvin a 9 ans et vit à Nice. Ses cousines, Chloé et Léa, ont 10 et 13 ans et elles vivent à Lille. Quand Calvin fait du skateboard à Nice, il croise sur la Promenade des Anglais ou dans le Jardin Albert Ier, des sculptures en poutres de métal. Quand ses cousines Chloé et Léa sont venues pour les vacances, il a voulu leur montrer.

D’abord, il y a ce grand machin rouillé et arrondi comme une rampe de skate. Tante Mélanie leur a raconté que quand elle était jeune, les ados niçois se lançaient le défi d’aller s’asseoir au sommet de l‘arc… à 19 mètres de haut ! Mais, aujourd’hui c’est interdit. Ensuite, il y a ces grands piliers qui s’élancent vers le ciel, un peu comme un phare ? : « C’est bizarre… on se sent tout petit à coté mais, quand on se met à l’intérieur, c’est comme si nous étions protégés, tous ensemble. » remarque Léa.

Calvin devant Arc de 115°5, 1988 Nice©Gunilla Lapointe

 

Calvin, Chloé et Léa face à Neuf lignes obliques, 2021©Gunilla Lapointe

 

Bernar Venet Nice, Neuf lignes obliques, 2010 ©Dalbera(CC BY 2.0) (libre de droit vérifié)]

Après quelques rapides recherches sur le net, les cousins lisent ceci : la sculpture de Bernar Venet au Jardin Albert 1er de Nice, est un arc monumental de 115°5. Lors de son inauguration le 26 juillet 1988, le maire Monsieur Jacques Médecin a expliqué que les 115°5 correspondent à la courbe de la baie de  Nice : « Ah… En fait, dit Chloé, au lieu de reproduire la sculpture du paysage, avec la forme en creux de la plage, l’artiste en a juste représenté la forme la plus simple.

 – Oui, mais c’est super précis 115°5 » renchérit Calvin qui aime les chiffres.

Les Neuf lignes obliques sur le Quai des États-Unis, est un monument qui célèbre, en 2010, le 150e anniversaire du rattachement du comté de Nice à la France. L’œuvre de Bernar Venet est composée de neuf barres de métal qui représentent les neuf vallées du Comté de Nice : « Ok, ajoute Léa. Encore une fois, ce Bernar a imaginé une idée plutôt que créer un monument. Mais, est-ce que c’est de l’art ? c’est pas spécialement beau … Et, ce ne sont que des barres de métal qui représentent des idées. C’est sûr il a réfléchi, comme un savant ou un philosophe mais, est-ce que c’est un artiste ? »

 –  « Ce serait un artiste des idées !  propose Calvin

 –  Mouais… fait Léa perplexe, je crois même qu’on doit dire « concept »… »

Les enfants ont raison ; il s’agit d’art conceptuel. Et ce n’est pas nouveau ! Déjà vers 1520, Léonard de Vinci parlait de la « chose mentale »; pour lui l’idée était plus importante que la réalisation.  Léonard expliquait que l’art n’est pas que décoratif et ne doit pas représenter quelque chose de réel ou de beau, mais faire réfléchir.

À Lens…

Avec l’invention de la photographie, dans les années 1840, chacun peut utiliser cette technique pour reproduire une image, mais l’art peut aller au-delà et montrer autre chose. L’artiste Marcel Duchamp (1887 – 1968), par exemple, emploie des objets réalisés en usine et les expose tels quels comme des objets d’art. « Ça me fait penser au tas de charbon qui était dans une salle de l’exposition Soleils Noirs au musée du Louvre-Lens en 2019. Quand tu viendras en vacances chez nous, Calvin, nous te montrerons le musée du Louvre-Lens », dit Chloé. Le rendez-vous est pris et Chloé a reconnu le Tas de charbon conçu en 1963 par Bernar Venet. Cet artiste aime à dire : « j’expose de la matière […] sans forme spécifique ».

Quand Calvin est venu dans les Hauts-de-France, les cousins sont allés au musée du Louvre-Lens. Dans le Pavillon de verre, ils ont retrouvé les arcs et les poutres de métal de Bernar Venet. Cette fois, des dizaines de barres, des arcs, mais aussi des angles se croisent, s’accumulent, se chevauchent et s’enchevêtrent ; tous les éléments semblent éparpillés en désordre : « Ouaaah… On dirait que c’est tombé !

 – Oui, comme une construction qui se serait écroulée ».

Chloé lit le cartel : « Hypothèse de la gravité, 2021. Bah… vous avez bien vu ! Cette fois, c’est la chute des bouts de métal que Bernar nous montre. – Hey, venez voir ! Y’a des traces sur la couleur de la ferraille, comme des croûtes… »

Calvin, Chloé et Léa au milieu de Hypothèse de la gravité, 2021©Gunilla Lapointe

Calvin, Chloé et Léa observent Hypothèse de la gravité, 2021©Gunilla Lapointe

Le matériau que Bernar Venet utilise n’est pas anodin. Il explique que la couleur rouille ne l’intéresse pas mais que le phénomène de corrosion donne « la mesure de la dégradation de toute chose ». Cette transformation de la matière, Venet la désigne par entropie, une agitation, un désordre de la substance. L’entropie c’est aussi l’énergie de l’effondrement, du brusque affaissement. « Si j’ai bien compris, c’est l’idée ou le concept d’un Badaboum, d’un Patatras !

 – « Mmmh… moi ça m’inspire… »

Calvin, Chloé et Léa scrutent Hypothèse de la gravité, 2021©Gunilla Lapointe