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La médiation culturelle autour de l’exposition Les Tables du pouvoir

Paul questionne pour vous les chargées de projets de Médiation référentes de cette exposition !

Florence Borel, Gunilla Lapointe, vous êtes chargées de projets de Médiation au Louvre-Lens et référentes de la médiation sur l’exposition Les tables du pouvoir. Expliquez-nous en quelques mots le rôle de la médiation culturelle dans une telle exposition.

Florence : Notre rôle est d’établir le lien entre l’exposition prévue par les commissaires et le public, tous les publics.

Gunilla : Pour cette exposition, un de nos défis est de rendre accessible à tous les publics les noms compliqués et parfois oubliés des objets présentés.

Florence : Avec Gunilla, nous avons cherché à nous adresser à tous. Il y a d’un côté évidemment la médiation orale – les visites guidées, les « repérages », les ateliers – pour les visiteurs qui le souhaitent et de l’autre côté, la médiation écrite dans l’exposition : les cartels – ces petits panneaux explicatifs fixés près des œuvres -, les cartels enfants et les textes de salles. Viennent ensuite tous les livrets : livret-jeu, livret de visite et livret Facile à Lire et À Comprendre (FALC)…

Commençons justement avec ces livrets. Florence, quel est l’enjeu d’un livret de visite ?

Florence : Le livret de visite doit avoir quelque chose d’attrayant. À chaque fois, nous nous amusons un peu à l’adapter au contexte de l’exposition.

Pour cette exposition, nous avons choisi de lui donner la forme d’un menu, comme un menu de restaurant : l’exposition compte 5 chapitres ou sections – de l’Antiquité mésopotamienne jusqu’aux actuels dîners de l’Elysée – et nous avons voulu qu’ils deviennent des « plats ».

Chaque plat, chaque chapitre, contient donc un texte que j’ai écrit à partir de la documentation réunie par les chargées de documentation, ainsi qu’un mot des commissaires et une recette. À la fin du livret, figure un glossaire. Nous voulons que ce livret soit à la fois une introduction à l’exposition et un bel objet que les visiteurs ramènent chez eux : qu’il soit porteur de souvenirs et permette de poursuivre la visite après l’exposition. Certains visiteurs collectionnent ces livrets !

Celui des Tables du pouvoir compte 16 pages, format A4, et il a une couverture gaufrée en très beau papier avec des dorures, rappelant les assiettes à l’or fin qui seront visibles dans l’exposition. Nous avons fait appel à une graphiste (Anne Vincent) et une illustratrice (Claire Fanjul), les mêmes que pour le livret-jeu. L’illustratrice a dessiné des cordons comme dans les vrais menus. Pour chaque chapitre il y a un petit cordon qui est de la couleur de la section correspondante, dans l’exposition. Le livret colle donc aussi à la scénographie, car nous nous sommes rendu compte que les gens se repèrent beaucoup aux couleurs des sections.

 

À côté de ce livret pour le public adulte existe aussi un livret pour les enfants et les familles. C’était un de tes projets, Gunilla : qu’est-ce qui les attend ?

Gunilla : Pour ce livret-jeu nous avons travaillé avec une illustratrice, Claire Fanjul, et une graphiste, Anne Vincent, et avons essayé d’ajouter un aspect un peu humoristique tout en ayant le côté solennel des tables du pouvoir.

Le résultat est un livret avec des jeux adaptés à tous les niveaux : des questions d’observation, d’imagination, et d’autres qui demandent de chercher sur les cartels ou même de se mettre en scène et, pourquoi pas, de partager son interprétation sur les réseaux sociaux.

Et la visite peut se poursuivre du musée pour aller consulter des livres, des magazines et des films en lien avec l’exposition mais aussi pratiquer une autre activité en autonomie : par exemple, si vous avez envie de décrypter une liste de course vieille de 5000 ans : nous avons, avec l’assyriologue Vérène Chalendar, conçu un jeu basé sur un syllabaire cunéiforme.

 

Le livret-jeu sera-t-il disponible gratuitement?

Gunilla : Oui, deux formats sont proposés ; le livret est distribué à l’entrée de l’exposition mais aussi téléchargeable sur notre site internet.

Florence : Et il y a même un troisième type de livret qui a été réalisé par notre collègue Loraine, un livret FALC, facile à lire et à comprendre, qui va bientôt faire l’objet d’une publication, ici sur le site « Mon Louvre-Lens ».

Et les enfants auront aussi leurs propres cartels (les petits panneaux explicatifs à côté d’une œuvre) dans l’exposition, écrits par toi, Gunilla?

Gunilla : Oui, c’est la cinquième exposition pour laquelle le musée réalise un parcours avec des cartels à destination des enfants ; les livrets enfants sont quant à eux proposés depuis 2014. La gageure des textes jeunesse c’est qu’il faut être beaucoup plus synthétique pour que ce ne soit pas trop long à lire, trop fatigant ou trop ennuyeux. Et il faut aussi bien sûr adapter le vocabulaire pour que ce soit facile à comprendre. Les cartels enfants de cette exposition seront identifiables grâce au personnage guide de l’échanson, qui est aussi dans le livret-jeu.

Vous avez aussi travaillé sur les cartels « adultes » ?

Florence : Oui :  depuis quelque temps le Louvre-Lens choisit d’accrocher, pour chaque œuvre exposée, ce qu’on appelle un cartel développé par œuvre exposée.

Gunilla : Ce qui n’est pas toujours le cas pour chaque musée et chaque exposition…

Florence : Tout à fait. Chaque objet est donc accompagné d’un petit texte d’environ 750 signes qui donne son contexte, la raison de sa présence dans l’exposition – et dans cette section particulièrement –, des éléments et un éclairage sur cette œuvre et éventuellement sur son auteur, quand on le connait. Gunilla et moi avons écrit chacune les cartels d’un chapitre, en coordination avec les commissaires d’exposition. Les cartels pour les trois autres chapitres ont été écrits par notre chargée de documentation, Caroline Tureck. Ce fut un gros travail de recherche, car il s’agit de plus de 220 cartels développés au total (certains cartels développés regroupent plusieurs œuvres).

Gunilla : Et il ne faut pas oublier les textes de salles qui sont écrits par les commissaires et la chargée de documentation. Et bien sûr les commentaires audio : les commissaires de l’exposition sont venus les enregistrer au pôle édition et production numérique du musée.

Mais l’exposition ne comporte pas uniquement des dispositifs écrits. Tu as aussi développé des outils multi-sensoriels pour cette exposition ?

Gunilla : En effet, une exposition qui parle des arts de la table doit aussi être gourmande ! Nous avons donc fait à nouveau appel à la parfumeuse lilloise Caroline Caron avec laquelle nous avions déjà travaillé pour concevoir des fragrances inspirées des œuvres de la Galerie du temps. Pour Les tables du pouvoir, cinq parfums font écho aux cinq périodes présentes dans l’exposition. Notre objectif est d’associer les objets exposés avec le plaisir de la table et provoquer plusieurs sens en même temps.

L’ébéniste César Dumont réalise un outil de médiation que nous appelons « dinette ». Il sera alors possible de prendre en main des objets qui s’inspirent de ceux exposés. En les manipulant, ce sera plus facile de comprendre leur usage. La nef de table par exemple, à quoi sert-elle ? Comment est-elle réalisée ?

Comment les visiteurs peuvent-ils découvrir ces outils ?

Gunilla : Ils seront utilisés lors des activités avec les médiatrices et les médiateurs du musée. Ces dispositifs sont particulièrement adaptés pour les publics qui ne peuvent pas venir au musée : en plus des images que les médiateurs leur montrent, une odeur et un objet à toucher peuvent leur faire vivre l’exposition à distance.

Un autre public très important pour le Louvre-Lens est le public scolaire. Comment aidez-vous les enseignants à préparer leur visite de l’exposition ?

Florence : D’abord avec notre dossier pédagogique rédigé par des enseignants à destination des enseignants. Il est fait en interne : les enseignantes missionnées au musée (Godeleine Vanhersel, Isabelle Brongniart et Peggy Garbe) rédigent le texte et les pistes pédagogiques, et un chargé de projet de médiation – ce fut mon tour – fait la coordination. C’est un bel objet de 24 pages, richement illustré, qui suit plus au moins le plan de l’exposition. À la fin, figurent des pistes pédagogiques qui sont proposés par niveaux scolaires, ainsi qu’un glossaire, plus étendu et important que dans le livret de visite. Le dossier pédagogique sera téléchargeable sur le site internet du musée, mais également disponible sous forme papier et distribué aux enseignants qui en font la demande.

Nous proposons aussi traditionnellement des visites d’initiation et des portes ouvertes aux enseignants. Nous essayons de nous mettre dans leur peau, d’ouvrir des pistes de travail pédagogique dans tous les domaines et de faire en sorte que, s’ils souhaitent venir en autonomie avec leurs élèves, ce soit possible pour eux.

Notre but est aussi d’établir des liens avec le public : l’exposition parle de la cour et parle du roi, mais en quoi sommes-nous encore concernés par ce passé aujourd’hui ? Au fil de l’écriture de tous ces outils, nous nous rendons compte du grand nombre de liens tissés. Le vocabulaire est très important pour cela.

 

Avez-vous testé quelques-uns de ces dispositifs avant l’exposition ?

Florence : Oui, nous l’avons fait pendant nos groupe-tests. C’est une action bien spécifique à notre musée, une façon d’associer le public, nos visiteurs, à ce travail de scénographie et de médiation. Les groupe-tests portent surtout sur l’appréhension de l’exposition : les textes de salles, les cartels, autant sur le contenu que sur la forme et l’emplacement. Il faut s’assurer que tout est compréhensible, lisible, pas trop bas ou trop haut. Les groupe-tests servent à la fois à vérifier ce côté « matériel » dans l’exposition et puis aussi à s’assurer que le propos est bien compris.

Que pensent nos testeurs de l’affiche ? Donne-t-elle envie de visiter l’exposition ? Qu’attendent-ils de cette visite ?

Nous veillons à ce que les visiteurs se reconnaissent dans une exposition et puissent se l’approprier. Nous ne laissons personne au bord de la route.

Quels étaient vos plus grands enjeux pour cette exposition ?

Gunilla : L’enjeu principal est l’appropriation par le public des « typologies » d’objets. Il y a toute une série d’objets inutilisés aujourd’hui et dont les noms ont été oubliés. Qu’est-ce qu’un « surtout » ? Comment différencier un « calice » d’un « rhyton » ? Et aussi, aider le visiteur à se plonger dans une époque et percevoir les différentes manières de tables : comment l’empereur romain buvait-t-il son vin ? Comment annonce-t-on les invités au palais de l’Elysée ?

Un autre enjeu était de rendre l’exposition vivante, amusante, humoristique et ludique.

Enfin, la table est un lieu de partage de convivialité, alors les actions de médiation autour de cette exposition mettront l’accent sur la solidarité. Le service Médiation développe des partenariats avec des associations d’entraide et de coopération auprès des plus défavorisés.

Florence : Un autre enjeu qui n’était pas prévu est que cette exposition accompagnera sans doute la réouverture du musée après une longe fermeture liée à la situation sanitaire. C’est l’exposition qui verra à nouveau les visiteurs au musée. Cette exposition a donc un double enjeu : à la fois nous allons être obligés d’adapter les idées initiales et les dispositifs au contexte sanitaire et faire attention à toutes les mesures de protection, et nous allons faire un maximum pour que ce voyage dans l’exposition soit quand même sensoriel. Pour qu’il soit vraiment une immersion et fasse de la visite une expérience !

Et je suis aussi d’accord avec Gunilla : faire en sorte que chacun se sente concerné. Je pense en particulier aux voisins du musée. Mettre tout en place pour que les gens se retrouvent dans l’exposition, fassent le lien avec certaines traditions d’aujourd’hui, les ustensiles de vaisselle qu’ils utilisent, par exemple. Qu’il y ait une sorte de prise de conscience que nous nous inscrivons vraiment dans une histoire.

Merci beaucoup à vous deux, Florence et Gunilla, nous avons hâte de découvrir l’exposition et ce que vous avez préparé pour nous !

Dans cette interview nous avons parlé surtout des outils et des dispositifs à disposition dans l’exposition, à destination de tous nos visiteurs ayant envie de la découvrir en autonomie. Mais évidemment il y a aussi toute la programmation d’une médiation accompagnée – visites guidés, ateliers, jeux, activités à la médiathèque – qui sera bientôt à découvrir sur notre site internet.