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Fréquenter le bain, ou l’assurance de rester en bons thermes…

Propre comme un sous neuf
L’hygiène et les soins du corps à travers les âges, par Marion

« Ah qu’elles sont jolies, les filles de … »

Pompéi ! Cette fresque provient de Pompéi, ville romaine antique ensevelie par une éruption du volcan Vésuve, en 79 après Jésus-Christ. Le site, redécouvert à partir de 1748, ne cesse, aujourd’hui encore, de dévoiler de nouveaux vestiges archéologiques. En figeant la vie des habitants de Pompéi, cet événement a permis de conserver des structures de maisons, de rues, de magasins, mais aussi le forum et les thermes de la ville. Le mobilier et les peintures à fresque qui les ornaient ont parfois pu être sauvés.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle
Pompéi, Italie
Fragment de peinture murale : femme auprès d’un faon, scène de culte à Bacchus (?)
Vers 30-50 après J.-C.
Fresque
Paris, musée du Louvre

 

C’est le cas de cette peinture, pourtant très fragmentaire. Elle figure quatre femmes, dont deux sont encore visibles entièrement. L’une des femmes semble nourrir un faon. On ne sait pas exactement quelle est la signification de cette scène : il s’agirait peut-être d’un culte rendu au dieu Bacchus, mais sans certitude.

Toujours est-il que cette image venue du passé nous permet d’apprécier l’attention accordée, dans le monde romain, à l’habillement, et plus généralement au soin apporté à son image…

Un point beauté s’impose !

Rome arrangé

Les archéologues ont mis au jour, le plus souvent dans des tombes, des objets du quotidien liés à la beauté et aux cosmétiques dans le monde romain. À Pompéi par exemple ont été retrouvées des coquilles contenant des substances que l’on a pu analyser. Surprise : on s’est rendu compte que la palette des cosmétiques est à peu près la même que celle des peintres romains. Hum, ou quand l’expression « ressembler à un pot de peinture » prend tout son sens…

On a également retrouvé dans des tombes des coffrets en bois, véritables vanity-case de l’époque. Les huiles, onguents et fards peuvent être conservés dans des petits pots en verre ou en pierre, aux formes élégantes, que l’on fait souvent venir de loin. La beauté fait l’objet d’un véritable commerce du luxe. Côté produits magiques « non-non-je-vous-jure-c’est-naturel », on retrouve la terre de Sélinonte, une sorte de kaolin (argile de très bonne qualité), une poudre à base de silico-aluminate de calcium qui sert de fond de teint rosé, ou encore un produit contenant de la galène, de l’oxyde de fer et de cuivre, de l’ocre brun et de la malachite, utilisé comme kohl. La panoplie des instruments de beauté romains est elle aussi bien connue : pinces à épiler, peignes, miroirs, cure-oreilles, spatule (ligula) au long manche pour aller prélever les crèmes au fond des pots…

Bien sûr, la beauté romaine a ses détracteurs, médecins ou autres moralistes. Tertullien, par exemple, dans sa « Toilette des femmes », n’hésite pas à donner une petite leçon aux coquettes de Carthage qui abusent des artifices. Parce que s’éloigner de la beauté de Dame Nature, c’est MAL, il faut vite aller se débarbouiller.

Certains auteurs romains, comme Cicéron dans son « De officiis », donnent leur avis sur la beauté et les soins du corps chez les hommes. « Il faut en outre pratiquer une propreté (munditia), qui ne soit pas importune ni trop recherchée, mais qui évite seulement un laisser-aller grossier et de mauvaise éducation ». C’est clair.

Ovide, dans « L’Art d’aimer », est à peu près d’accord : il ne faut pas sentir le bouc, mais pas trop le parfum non plus. C’est donc une affaire de juste milieu. La propreté fait partie du cultus, les soins du corps qui caractérisent l’homme civilisé. Être propre ne signifie pas uniquement être propre d’un point de vue de l’hygiène, c’est aussi avoir une mise simple, correcte, élégante. C’est un équilibre. Il serait d’ailleurs de mauvais goût d’être trop bien coiffé, trop épilé, trop parfumé… ou même de se baigner trop souvent !

Au pied du volcan, on se lave…

L’immersion totale dans l’eau demeure dans un premier temps assez rare. Hippocrate, un médecin grec, veut la prescrire davantage à ses malades, mais ne peut pas faute de dispositifs suffisants. Au 4e siècle, le développement des gymnases facilite la prise du bain. On se frictionne la peau avec de la nitre (salpêtre), de l’argile, de l’huile d’olive et des cendres. Ces pratiques sont alors essentiellement réservées aux hommes. Elles s’étendent progressivement au monde romain, puis à l’ensemble du monde méditerranéen. C’est pendant la période impériale romaine que le réseau des thermes monumentaux, réservés aux bains publics, est le plus dense et étendu.

Les thermes sont alors des lieux dédiés à l’hygiène, mais aussi des lieux de rencontre, de liens sociaux, dans lesquels on discute. Les femmes et les hommes sont généralement séparés dans deux espaces distincts, avec entrées différentes. D’ailleurs, les femmes payent souvent plus cher que les hommes pour entrer. Pourquoi ? Peut-être à cause de croyances liées à l’impureté. Quelques abus – liés à la présence de prostituées -, contraignent certains empereurs, comme Hadrien (76-138 après Jésus-Christ), à interdire la mixité. Quelques chiffres permettent de se faire une idée de l’incroyable succès des thermes : sous Agrippa, un homme politique romain (63-12 avant Jésus-Christ), on compte une dizaine de bains à Rome, alimentés par des aqueducs. Sous Constantin, trois siècles plus tard, il y en a plus de 850. À cette occasion, de nouveaux métiers apparaissent : masseur (tractatores), épileurs (alipiti) ou parfumeurs (unctores). Dans les thermes, on joue sur l’alternance du chaud et du froid, pour provoquer une réaction de la peau qui va expulser les liquides malsains. Les thermes sont organisés selon un parcours qui permet d’aller du froid vers le chaud puis du chaud vers le froid. Dans les étuves (sudatorium) on se contente de suer. D’ailleurs, les pièces ont un nom : le frigidarium est froid, le caldarium est chaud, et le tepidarium est tiède. Le chauffage des salles se fait par le sol, grâce à un espace ménagé sous celui-ci, appelé hypocauste, qui communique avec un foyer dans lequel est alimenté un feu. Le sol des salles est en suspension sur des pilettes, sous lesquelles circule la chaleur. Les baigneurs doivent donc chausser des sandales pour ne pas se brûler.

Les découvertes de complexes thermaux, dont l’un des plus beaux se situe à Pompéi, témoigne du raffinement de ces espaces et de leurs décors : thèmes aquatiques en mosaïques, peintures et sculptures en lien avec Vénus, la déesse de la Beauté et de l’Amour, stucs, et même bibliothèques. Les thermes du forum de Pompéi ont même permis de mettre au jour cinq-cents lampes à huile, prouvant que ces espaces étaient sûrement ouverts en soirée, ou la nuit.

Les thermes étaient tellement agréables et prisés qu’ils auraient favorisé l’adoption du style de vie de l’Empire romain, autour de la Méditerranée, par les peuples conquis. Pas étonnant…

Alors en cette nouvelle période de confinement, on ne se laisse pas aller : on se lave, on se cure les oreilles, on se fait beau et on se parfume ! (mais pas trop ;))