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De beaux outils d’origine ottomane. Mais qu’est-ce que c’est ?

A quoi peuvent bien servir ces objets ? Justine vous apporte toutes les réponses à vos questions.

A quoi peut bien servir cet objet ? Est-ce l’étui d’une arme ? un brûle parfum ? un objet de navigation ?

Observons-le bien. Il est constitué d’un élément allongé rectangulaire, présentant un décor gravé. Il est flanqué de trois éléments qui semblent être des récipients ; deux de forme octogonale, également décorés, et un au centre, sans décor et percé de petits trous en son sommet. Les deux récipients octogonaux sont pourvus de petit couvercles, ce sont ces éléments bombés sur le dessus, on devine qu’il s’agit de couvercles à leurs charnières. A l’extrémité gauche de l’élément allongé, on distingue un petit anneau, appelé bélière, et une rainure verticale, laissant deviner la possibilité d’ouvrir cette partie, il s’agit là aussi d’un couvercle. La bélière quant à elle permettrait de suspendre l’objet.

Bien, maintenant que vous avez observé tous ces détails, il est temps de vous dévoiler quel est cet objet et quelle était son utilisation.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Claire Tabbagh

Turquie
Écritoire
Vers 1600-1900
Cuivre doré et gravé, alliage cuivreux incrusté d’argent et de pâte noire

http://ressources.louvrelens.fr/EXPLOITATION/oeuvre-oa-7442-mao-849.aspx

La belle écriture

Il s’agit d’une écritoire portative (divit), un objet contenant tout le nécessaire pour écrire. Elle provient de l’Empire ottoman (principalement l’actuelle Turquie). Voici donc une bien belle trousse pour avoir la classe en cour de calligraphie !

L’écrit tient une place bien particulière dans le monde musulman. Le Coran représente l’incarnation du divin sur terre. C’est pourquoi sa transcription est un acte pieux. L’arabe est la langue de révélation et de transcription du Coran. Elle est adoptée par tous les peuples musulmans, y compris par les peuples non arabophones à l’origine, comme les Ottomans. Ainsi très tôt, la calligraphie, la « belle écriture », est un art intimement lié à la pratique religieuse. Cette relation à l’écrit explique en partie l’absence de représentations figurées dans les arts religieux de l’islam. Cette absence de représentation n’est pas une interdiction formellement consignée dans les textes : le Coran proscrit les idoles (tout comme l’Ancien Testament). Les hadiths, recueils des actes et paroles de Mahomet, précisent les choses et indiquent que les anges porteurs du message divin (le texte) n’entreront pas dans une demeure où se trouvent des images ou encore que les peintres, qui en copiant la réalité se placent en rivaux de Dieu, seront durement punis au jour du Jugement dernier. Toutes ces préconisations abondent dans le sens d’un art aniconique, mais les théologiens imposent des règles qui varient selon les époques et les aires géographiques. Les représentations figurées, humaines ou animales, sont en revanche présentes dans les arts profanes notamment dans les régions précédemment byzantine (empire Ottoman) et sassanide (Perse) dont les arts de la représentation s’étaient largement développés avant l’implantation de l’islam.

La calligraphie est un art où l’harmonie règne, les lettres sont tracées avec une précision mathématique rendant à la perfection le message divin. Les textes sont agrémentés d’ornements, abstraits, les fameuses arabesques, ou représentant des motifs végétaux ou animaux. Ils peuvent être rehaussés d’encres colorées et d’or. Par sa place et sa relation avec la parole divine, la calligraphie musulmane n’est donc pas un art réservé au livre, on la trouve en grande quantité dans les décors architecturaux des grandes mosquées ou des palais, ainsi que dans les arts mobiliers comme la céramique ou les arts des métaux.

Prépare ton cartable à la manière ottomane

On peut ainsi observer une inscription calligraphiée que le dessus de l’écritoire qui nous intéresse. Elle dit « A notre seigneur félicité, paix, longue vie [deux mots illisibles] et gloire perpétuelle. » Les écritoires, comme celle-ci, étaient très répandues dans l’Empire ottoman. Nous ne savons pas exactement à quelle date elle a été fabriquée, mais nous pouvons l’estimer entre le 18e et le 19e siècle.

La partie allongée rectangulaire contenait les calames et les récipients accolés contenaient l’encre.

Le calame est l’outil avec lequel on écrit et on calligraphie dans le monde musulman. Il est fait d’une tige de roseau taillée en biseau. Cet outil n’est pas propre au monde musulman, en effet il était l’outil d’écriture principal pendant l’Antiquité où il était déjà utilisé en Mésopotamie pour écrire le cunéiforme sur les tablettes d’argile, et par les scribes égyptiens pour les textes écrits sur papyrus.

L’encre était fabriquée à base de suie, le noir de fumée, issu de la combustion de pin, de l’huile de lin, de la cire d’abeille ou même du pétrole, mélangée à de l’eau et de la gomme arabique liquide. Généralement, l’encrier contenait de la bourre de soie imbibée d’encre de suie qui était régulièrement humidifiée. Cette bourre de soie permettait d’absorber l’encre et évitait ainsi tout renversement. Elle permettait aussi que le calame s’imbibe de la juste quantité d’encre. On peut supposer que le récipient central sur notre objet, avec ses trous sur le dessus, pouvait contenir le sable que l’on saupoudrait sur l’encre pour la faire sécher plus rapidement lorsque l’on écrivait des lettres ou des documents de la vie quotidienne. Le sable n’est pas utilisé lorsqu’il s’agit de calligraphie artistique.

D’autres objets nécessaires au travail du calligraphe sont présentés avec cette écritoire au Louvre-Lens.

Les outils du calligraphe

Turquie
Outils de calligraphie
Vers 1700-1900

© RMN-GP (musée du Louvre) / Raphaël Chipault et Claire Tabbagh

http://ressources.louvrelens.fr/EXPLOITATION/oeuvre-mao-842-et-autres.aspx

Le maqta (plaquette de coupe) sert à couper le calame. Les maqta sont souvent en ivoire, comme celui-ci. C’est un matériau précieux mais aussi utile car il est tendre et n’abîme pas le tranchant du couteau lorsque le calligraphe y taille ses calames. En effet, ces derniers doivent régulièrement être retaillés car ils s’usent au contact prolongé avec le papier. Si on observe attentivement ce maqta on peut encore voir les traces de couteaux dans la partie médiane de l’objet.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Raphaël Chipault et Claire Tabbagh

Cet autre maqta est réalisé en acier damasquiné d’or. Un travail très raffiné qui consiste à incruster un décor de métal, ici de l’or dans un autre (l’acier) creusé au préalable. Mais remarquez, dans la partie supérieure de l’objet, un morceau d’ivoire a été incrusté afin de préserver le couteau du calligraphe.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Raphaël Chipault et Claire Tabbagh

Voici un de ces couteaux (kalemtras) utilisé pour couper le calame. Remarquez ce manche biscornu et cette belle couleur rouge. Ici aussi un matériau bien particulier a été utilisé pour confectionner cet objet : le corail. L’usage de cette matière fait de ce kalemtras autant un objet utilitaire qu’une curiosité artistique très prisée des cours royales aussi bien en Orient qu’en Occident. La taille du calame est une étape importante car elle détermine la largeur d’écriture et donc le style voulu par l’artiste.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Raphaël Chipault et Claire Tabbagh

Pour ranger les fragiles maqta en ivoire, les calligraphes possédaient ce type d’étui adapté à la forme des plaques de découpe. Celui-ci présente un décor de damasquinure, tout comme le maqta que nous avons vu précédemment. Il est pourvu d’une bélière permettant de le suspendre.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Claire Tabbagh

Cette cuillère à long manche, elle aussi décorée d’incrustations de métal, était utilisée pour humidifier la bourre de soie dans l’encrier.

© RMN-GP (musée du Louvre) / Franck Raux et Claire Tabbagh

D’autres objets servaient à préparer le papier. Ainsi cette paire de ciseaux, elle aussi pourvue d’un riche décor, permettait de découper les feuilles de papier au format voulu ou de les ébarber. La longueur de ces ciseaux permettait un travail plus précis dans la découpe.

La préciosité de tous ces objets dont les décors et les matériaux en font des objets d’art autant que des objets utilitaires, montre bien l’importance donnée à l’art de la calligraphie dans les cours ottomanes : de beaux outils pour bien écrire !