Trésors
Des trésors de préciosité et de fragilité
En décembre dernier, le musée du Louvre-Lens fêtait son 5e anniversaire. À cette occasion, le renouvellement partiel que connait chaque année la Galerie du temps fut particulièrement spectaculaire, avec l’arrivée d’un ensemble extraordinaire de Trésors nationaux acquis par le Louvre depuis 2012.
Situé physiquement dans la continuité de la Galerie du temps, le Pavillon de verre en devient cet été le véritable prolongement artistique, en accueillant lui aussi des trésors du Louvre. Les 4 chefs-d’œuvre que nous avons le privilège de présenter pendant 3 mois sont des acquisitions très récentes, réalisées entre 2014 et 2016. Ces objets rares et précieux sont issus de techniques, d’époques et de civilisations différentes, mais chacun témoigne, à sa manière, du génie humain.
Grâce à ces nouveaux prêts exceptionnels, la Galerie du temps et le Pavillon de verre fusionnent pour offrir un parcours toujours plus riche et surprenant à travers les splendeurs du Louvre. Profitez donc de l’été pour explorer gratuitement ces trésors, exposés pour la toute première fois depuis leur entrée dans les collections nationales !
Zoom sur les quatre « trésors »
Deux Trésors textiles datant de l’Égypte antique
Dotée d’un climat sec propice à la conservation des textiles, l’Égypte est une région où les découvertes de tissus antiques sont exceptionnelles par leur ampleur, alors que des régions plus humides ne livrent parfois aucun témoignage de cet art ancien des tisserands. C’est principalement en contexte funéraire, au plus près des corps des défunts, que les témoignages des arts textiles de l’Égypte antique sont retrouvés.
Le linceul d’une momie
Protégées de la lumière dans les tombes et sarcophages qui les abritaient, les inscriptions des pièces de lin – bandelettes et plus rarement linceuls – confectionnées pour envelopper le cadavre révèlent les préoccupations religieuses des Égyptiens et leur vision de l’au-delà. La grande toile récemment acquise par le musée du Louvre est exceptionnelle à plus d’un titre. Elle associe des formules magiques inédites destinées à repousser les serpents et des extraits des Textes des Sarcophages, et notamment du Livre des deux chemins, véritable guide géographique à l’usage du défunt. Des vignettes disposées en bandes horizontales illustrent certaines parties des textes.
Les fragments du Châle de Sabine
Cet ensemble, composé de quatorze motifs colorés et d’un fragment de toile rouge, provient du Châle de Sabine, chef-d’œuvre égyptien de la fin de l’Antiquité tardive, célèbre pour la qualité de son tissage et l’originalité des scènes qu’il présente. Exhumé d’une des nécropoles d’Antinoé, ville fondée par l’empereur Hadrien au 2e siècle de notre ère, ce châle a été découvert en 1903 dans un caveau maçonné abritant la sépulture d’une dénommée Sabine. Exposé au musée Guimet après sa découverte, il sera ensuite partagé et dispersé entre collectionneurs et musées, sous l’égide de l’industriel lyonnais Émile Guimet, principal mécène des fouilles. Il appartient à une rare typologie de textiles dans lesquels les décors ont été tissés sur le métier en même temps que le vêtement, ici d’une ampleur exceptionnelle de près de trois mètres sur trois. Son exécution relève d’une véritable prouesse technique, nécessitant l’intervention conjointe de plusieurs tisserands. Le Louvre conservait déjà une pièce majeure du Châle, complétée par l’acquisition de ces fragments en 2014. Ces vestiges permettent aujourd’hui encore d’entrevoir la richesse des costumes portés de leur vivant et emportés dans la tombe par les défunts.
Un globe céleste de l’Iran safavide
Ce globe céleste de l’Iran safavide, daté vers 1700, est singulier à plusieurs titres. Non seulement il est fabriqué en papier mâché alors que l’immense majorité des globes célestes du monde islamique sont en métal, mais il est aussi le tout premier dans cette production à représenter des constellations découvertes par les Hollandais en 1612. Son magnifique décor présente d’ailleurs des éléments iconographiques directement issus des globes européens de la même époque, attestant d’échanges entre les deux continents : l’Iran connait alors une période riche en échanges commerciaux, avec l’établissement sur son territoire de comptoirs anglais et hollandais, liaisons entre l’Inde et l’Europe.
Les globes célestes du monde islamique trouvent leur origine dans la Grèce antique. Au 2e siècle de notre ère, Ptolémée en explique le mode de construction et l’usage dans l’Almageste. Il y décrit également les quarante-huit constellations, qui seront ensuite reprises dans le Traité des étoiles fixes rédigé en Iran au milieu du 10e siècle par l’astronome persan ‘Abd al-Rahmân al-Sûfî, traité qui constitue la source de la plupart des globes réalisés dans le monde islamique. Véritables cartes mobiles et tridimensionnelles du ciel étoilé, les globes célestes étaient utilisés pour faire des calculs astrologiques ou astronomiques, ou à des fins didactiques.
L’immense paysage peint sur une bande de papier de 13 mètres de long
L’immense paysage peint sur une bande de papier de 13 mètres de long est l’un des deux seuls exemplaires complets de « transparents » dus à Louis Carrogis dit Carmontelle.
Topographe pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763) puis lecteur du duc Louis-Philippe d’Orléans, Carmontelle incarne à lui seul un certain art de vivre des élites de la fin de l’Ancien Régime. Homme d’esprit aux talents multiples, il se voit confier les divertissements du duc d’Orléans et immortalise son entourage à l’aide d’une série de portraits dessinés qui font bientôt sa renommée.
C’est bien cette même volonté de croquer la société que l’on retrouve dans ses « transparents ». Peints sur des rouleaux composés de feuilles de papier assemblées, ces panoramas étaient disposés à l’intérieur de boîtes qui permettaient de progressivement les dérouler devant une source lumineuse, et de donner ainsi l’illusion d’un paysage que l’on voyait défiler. Le dispositif ingénieux permettait en quelque sorte de faire une promenade en carrosse sans avoir à quitter son salon. L’artiste y met en œuvre son savoir-faire de paysagiste – on lui doit la création du parc Monceau à Paris – pour créer un jardin anglo-chinois d’illusions.
En raison de leur fragilité, rares sont les transparents conservés dans leur intégralité. Celui acquis récemment par le musée du Louvre appartient vraisemblablement au lot des onze boîtes encore en possession de l’artiste à sa mort en 1806.
La restauration du transparent de Carmontelle a été soutenue par le Fonds Nininoé, au sein du Fonds de dotation du Louvre.