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Que la lumière soit !

À la découverte d’un reliquaire, avec Alicia

Limoges, France
Reliquaire (châsse) en forme d’église : Christ en majesté et Crucifixion
Vers 1185-1200, émail champlevé sur cuivre doré, Paris, musée du Louvre
Photo © RMN-GP (musée du Louvre) / Daniel Arnaudet

 

Cet objet d’orfèvrerie médiévale daté du tournant du 13e siècle est une châsse, c’est-à-dire un coffre servant à conserver et transporter les reliques d’un saint. À l’origine, il contenait un deuxième coffret en bois dans lequel étaient placées les reliques. La châsse resplendit grâce à l’éclat du cuivre et aux couleurs vives des émaux. La beauté du reliquaire reflète l’importance de son contenu sacré. L’iconographie qui le décore représente deux scènes hautement symboliques de l’art chrétien : la Crucifixion et le Christ en majesté.

 

La châsse, forme la plus ancienne et répandue de reliquaire à l’époque médiévale, témoigne du culte des reliques qui apparaît dès l’époque paléochrétienne et consiste à garder dans des écrins luxueux des morceaux de corps, d’objets ou de vêtements ayant appartenu à des saints, voire à Jésus-Christ ou à la Vierge Marie. Ceux-ci font l’objet de la vénération des fidèles qui effectuent des pèlerinages pour se recueillir devant les reliques censées protéger contre les forces maléfiques, rapprocher de Dieu et surtout accomplir des miracles.

Limoges était un centre important de production d’émaux à la fin du 12e siècle et au 13e siècle, à tel point que les historiens de l’art parlent de l’« Œuvre de Limoges » pour désigner la pratique de l’émail champlevé sur cuivre. Les émaux ornaient principalement des objets de culte. Le « champlevage » désigne une technique consistant à creuser des emplacements dans un support de cuivre d’après un dessin préalablement gravé afin d’y appliquer ensuite par fusion l’émail broyé. L’émail est constitué d’un mélange de sable, d’oxyde de plomb, de potasse ou de soude, et coloré grâce à des oxydes métalliques (par exemple l’oxyde de cobalt pour la couleur bleue).

 

Iconographie

 

L’iconographie est typique de celle qui orne habituellement les châsses produites à Limoges. Elle renvoie à de grands thèmes du symbolisme chrétien, des sujets « neutres » qui permettent de placer dans le reliquaire les restes de n’importe quel saint et d’adapter l’objet à sa destination. La production d’émaux limousins est exportée dans toute l’Europe et se standardise. Les artisans réemploient de mêmes modèles afin de préparer à l’avance les plaques décoratives qu’ils n’ont plus qu’à assembler quand une commande est passée à l’atelier.

La châsse évoque par sa forme et son décor la Jérusalem céleste, cité de Dieu décrite dans l’Apocalypse de saint Jean comme une ville faite d’or pur et de pierres précieuses. Les faces multiples de l’objet (quatre côtés et un toit à deux pans) servent de support à une riche iconographie, à la fois ornementale et narrative. Les personnages prennent place dans une architecture composée d’arcades reposant sur des colonnes. Les espaces entre les figures sont parcourus de motifs végétaux (fleurs et leurs tiges en rinceaux). Les têtes des personnages sont auréolées d’un nimbe (cercle lumineux) et en relief afin de leur donner plus de présence. Le nimbe crucifère est réservé au Christ.

L’iconographie de la face principale représente la Crucifixion. Le Christ en croix est entouré de la Vierge Marie et de saint Jean. Au-dessus des bras de la croix se trouvent les personnifications du soleil et de la lune. Cette scène centrale est encadrée par deux figures d’apôtres.

Sur le toit de la châsse est représenté le Christ assis en majesté dans une mandorle en amande. Il trône sur un arc qui symbolise la voûte céleste. Le Christ fait un geste de bénédiction de la main droite et tient le livre ouvert des Saintes Écritures de la main gauche. Il est entouré de l’alpha et l’oméga, première et dernière lettre de l’alphabet grec, qui rappellent que le Christ est l’origine et la fin de toute chose. Le tétramorphe (créatures ailées symbolisant les quatre évangélistes) accompagne la figure du Christ en gloire : en haut, l’homme pour saint Mathieu et l’aigle pour saint Jean, en bas, le lion pour saint Marc et le taureau pour saint Luc. Deux apôtres sont tournés vers le Christ.

La composition hiérarchise les scènes qui renvoient à la fois au dogme de l’Incarnation (Dieu fait homme), à la Rédemption (rachat de l’humanité par le sacrifice du Christ) et à la Résurrection (le Christ transcende la mort en revenant à la vie). Elle illustre le passage de la vie terrestre à l’élévation au ciel de Jésus-Christ, sauveur et vainqueur de la mort. De plus, la Crucifixion fait écho aux martyrs des saints qui suivent l’exemple du Christ et peuvent ainsi le rejoindre dans le royaume de Dieu.

 

Couleurs

 

Les couleurs ont également un rôle important. La brillance du cuivre, un matériau moins coûteux que l’or mais à l’apparence similaire, est omniprésente. Au Moyen Âge, on considère que l’or ne se contente pas de refléter la lumière, mais qu’il en est une source. Or, il est écrit dans la Bible (Livre de la Genèse) que « Dieu est lumière ». La couleur dorée a une forte dimension spirituelle. Elle manifeste la présence de Dieu, d’où son importance pour les objets de culte.

L’autre couleur très présente sur la châsse est le bleu, couleur céleste qui souligne la dimension sacrée des personnages figurés. Le vert est utilisé pour les scènes relatives au Christ. Il évoque la nature qui se renouvelle sans cesse, à l’instar du Christ qui régénère l’humanité par son sacrifice et surpasse la mort physique en s’élevant spirituellement.

 

Le reliquaire est donc un objet en l’honneur, d’une part, d’un Dieu de lumière et de gloire, d’autre part, des saints, intermédiaires entre les hommes et la divinité dont les restes corporels font des miracles.